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Channel: Pauvreté – Droits des enfants
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Droits et/ou devoirs des enfants

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On entend régulièrement affirmer qu’avant de songer à leurs droits il faut rappeler leurs devoirs aux enfants. Le nouveau premier ministre très fugace ministre de l’éducation nationale vient de réitérer cette antienne en parlant des élèves.  D’autres, dans la même veine, n’hésitent pas à affirmer que c’est bien parce qu’on a reconnu des droits aux enfants qu’ils ne respectent plus aucune autorité. On rencontre même fréquemment des parents, hier issus de la petite bourgeoisie, aujourd’hui de l’immigration africaine, avancer que dès lors qu’au nom du droit des enfants un père ne peut plus frapper ses enfants en France, il ne peut plus les élever et se faire respecter. En tout cas même ceux qui admettent du bout des lèvres que l‘enfant a des droits ajoutent immédiatement comme s’ils avaient sortis une incongruité, « mais il aussi des devoirs! »

Je ne surprendrai pas en disant que je ne partage pas un instant ces assertions. J’affirme même que c’est bien parce qu’on identifie un individu dans ses droits que l’on peut plus facilement exiger de lui qu’il respecte la loi.

Il n’est pas besoin d’être un grand observateur politique pour retrouver cette problématique dans différents domaines du champ social. Ainsi dans l’approche du débat sur le vote des étrangers aux élections locales.

Qui plus est, droits et devoirs ne sont pas indéfectiblement liés. Certains droits humains fondamentaux comme le respect de la personne ne sont gagés par aucun devoir. Au risque de choquer, la femme qui ne se fait pas agresser sexuellement dans la rue par le passant qu’elle croise n’a pas à le remercier!

Par ailleurs, il ne faut pas confondre autorité et violence. On peut faire preuve d’autorité sans élever la voix ou sans frapper.

***

Si dans notre pays l’autorité quelle qu’elle soit qu’entend restaurer Gabriel Attal dans la ligne tracée par le président de la République n’est pas respectée, c’est souvent parce qu’elle-même n’est pas ou plus respectable. On multiplierait les exemples issus notamment du terrain public.  Chacun les ayant en tête on fera l’économie de les restituer.

Devant l’intérêt suscité par cette problématique « droits et devoirs de l’enfant », il m’apparaît nécessaire de la reprendre plus exhaustivement.

Enfant et enfant

Commençons par le début. Qu’est-ce qu’un enfant au sens juridique du terme ? Pour le sociologue l’enfance court jusqu’aux 15 ans, puis commence la jeunesse qu prendrait fin à 25/26 ans. Quand pour le journal Tintin on est un enfant de 7 à 77 ans, la société pose le principe qu’à 18 ans le petit d’homme est achevé. Il s’agit d’une personne humaine de moins de 18 ans. La majorité pénale est à 18 ans depuis 1906 quand elle était jusque-là à 16 ans. Depuis mars 1974 la majorité civile a été également abaissée de 21 à 18 ans. Les droits civiques et politiques s’ouvrent aussi à 18 ans[1]. En d’autres termes, depuis, à 18 ans tout individu dispose  d’une pleine capacité juridique ; il peut agir et donc rendre des comptes.

Ce n’est cependant pas dire, on va le voir, que le droit traite de la même manière l’enfant de 0 à 18 ans. Des seuils – 7/8 ans, 10 ans, 13 ans, 16 ans – scandent la maturation des enfants.

Droit sur, droit à, droit de l’enfant

Il est vrai qu’un des apports du XX° siècle aura été de considérer l’enfant non plus comme un objet d’appropriation, mais comme une personne. François Dolto y aura contribué d’une manière essentielle dans la dernière période, mais c’est bien le travail d’un siècle initié au lendemain de la deuxième révolution industrielle. D’ailleurs ne n’interpelle-t-on pas traditionnellement ses interlocuteurs en leur demandant « Combien avez-vous d’enfants ? «  alors qu’on devrait dire « Combien de fois êtes vous parents ?». Être ou avoir, là encore !

La tendance reste encore forte de considérer l’enfant comme un bien. On  retrouve régulièrement cette approche dans le débat sur l’adoption ou la revendication d’enfants par les procréations médicalement assistées la gestation pour autrui avec cette difficulté que la puissance publique ne peut pas garantir un droit à l’enfant.

Depuis la fin du XIX° siècle l’idée a émergé de restreindre les pouvoirs de correction des parents sur les enfants et d’une manière générale de combattre la violence exercée par les adultes sur les enfants. Le fait de s’attaquer à un enfant de moins de 15 ans est devenue une circonstance aggravante en 1892. Un droit pénal protecteur des enfants, dans leur personne, mais aussi dans leurs intérêts moraux, s’est écrit et continue de s’écrire. Il a quand même fallu attendre les années 80 pour qu’on prenne réellement conscience des violences physiques infligées aux enfants dans la famille, mais aussi dans les institutions; pour qu’on réalise que par-delà les violences physiques il y avait aussi des violences sexuelles et aujourd’hui on réalise l’importance des violences psychologiques. Et ce n’est finalement qu’en 2019 – loi du 10 juillet – , en 28° position au sein du Conseil de l’Europe que la France a condamné le recours  aux « violences éducatives ordinaires » pour ne pas utiliser les termes grossiers de châtiments corporelles.

Qui pourra contester cette prise de conscience ? On doit simplement regretter qu’elle ait été aussi tardive. Comme il est choquant qu’il ait fallu attendre 1995 – via les juges – et 2005 – via la loi – pour que le viol entre époux soit enfin condamnable ! La patrie autoproclamée des droits humains a des retards à l’allumage s’agissant des femmes et des enfants. Dont acte ! Sous le contrôle de la société, les parents ont le droit d’imposer leur autorité à leur enfant et même d’exercer un « droit de correction » c’est-à-dire une contrainte, mais ils ne doivent pas les mal-traiter.

Mieux, dans la deuxième partie du XX° siècle notre législation a petit à petit reconnu le droit de l’enfant d’exercer personnellement certains de ses droits. Certes Napoléon a bien reconnu que l’enfant né avait des droits – statut personnel, droit aux soins droit à l’éducation, droits économiques  notamment -, mais a priori, ses parents et tuteurs étaient seuls habilités à les exercer pour lui. Il est tenu pour un incapable juridique. Comme la femme mariée l’a été jusqu’à la deuxième partie du XX° siècle ! On a fini par poser le principe qu’à la maison notamment, mais aussi à l’Aide sociale à l‘enfance, il fallait recueillir son avis sur toutes questions importantes le concernant. Donner son avis ne veut pas dire décider. C’est ainsi qu’avec de  fortes résistances a été admis en 2007 le droit de l’enfant à être entendu par son juge quand il en fait la demande … quitte à ce que le juge le fasse auditionner par un spécialiste, ce que l’on doit tenir pour contraire à l’article 12 de la Convention internationale relative aux droits des enfants de ratifiée par la France qui garantit le droit de l’enfant à s’exprimer.[2]

Exercer ses droits

L’enfant s’est vu reconnaître le droit d’agir seul dans certains cas, donc exercer ses droits et libertés. Ainsi il peut porter plainte au commissariat contre ceux qui, par exemple, l’auraient violenté ou volé. Même si cela est préférable, il n’a pas à être accompagné d’un adulte. Il a le droit de saisir un juge des enfants pour demander protection ; il peut même se choisir un avocat et se présenter avec lui au tribunal. Il  suffit qu’il soit doué de discernement sachant qu’on estime en France qu’un enfant de 7-8 ans, parfois moins, est doué du discernement. Il peut accéder à la contraception d’une manière libre, gratuite et anonyme (loi Neuwirth).La jeune fille enceinte qui souhaite garder son enfant le peut, mais elle peut aussi interrompre sa grossesse. Elle exprimera alors  sa volonté hors la présence de tout adulte, mais devra recueillir l’accord d’un parent ou désormais être accompagnée d’une tierce personne adulte de son choix.

Plus largement, quoiqu’incapable par principe de contracter l’enfant peut accomplir les actes usuels de la vie courante. Ainsi il peut faire des achats. Toutefois, avant de lui vendre quelque chose, le vendeur devra tenir compte de son âge et de sa personnalité. Sinon il s’expose à la résiliation de la vente et des poursuites pénales pour avoir abusé de la faiblesse de son jeune client.

Sait-on qu’un enfant peut interdire à ses parents d’accéder à son dossier médical (loi Kouchner du 4 mars 2002) ? Le médecin lui doit come à toute personne le respect du secret professionnel, y compris sur le fait même de la consultation elle-même, sauf si le diagnostic vital est engagé, auquel cas l’assistance à personne en danger l’emporte sur la confidentialité.

Si la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989 n’est pas à l’origine de l’affirmation des droits de l’enfant, il faut reconnaître qu’elle a conforté la tendance et ouvert quelques nouvelles perspectives en passant de l’implicite à l’explicite. Ainsi elle reconnaît (art. 14) la liberté de pensée de l’enfant et tout logiquement sa liberté de conscience, celle de croire, mais aussi de ne pas croire. Il doit pouvoir pratiquer le culte de son choix. Le traité lui reconnait également la liberté d’expression individuelle (art. 13) et collective – la liberté d’association ou le droit de manifester – dès lors qu’il ne trouble pas l’ordre public et ne porte pas atteinte aux droits des autres (art. 15). Comme à tout un chacun !

Mais soyons lucides : il demeure une marge de manœuvre pour améliorer le statut des enfants de France. [3] Par exemple les garantir d’avoir un père et une mère au regard du droit quand trop d’enfants sont orphelins de père du fait du comportement des adultes qui n’assument pas leurs responsabilités ! L’enfant abandonné ou né de procréation médicalement a plus facilement aujourd’hui la connaissance de ses origines [4]; pour autant il n’a pas le droit de voir sa double filiation établie au nom  du droit des adultes : ses géniteurs en ont la maitrise. Notre droit reste adultocentré.

Bref, plus que jamais on peut dire que l’enfant à une capacité juridique réelle, mais limitée. Il n’est pas qu’un être fragile qu’on protège contre lui-même et contre autrui. Il est sujet de droits et il n’est pas seulement objet ! L’enfant est une personne et comme toute personne il doit certes être respecté dans son corps, mais il se voit reconnaître les libertés fondamentales et il peut être l’acteur de sa vie, et d’autant plus qu’il se rapproche de la majorité.

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A ces droits répondent des obligations, sinon des devoirs et des responsabilités.

Obéissance et respect

Depuis Napoléon « A tout âge, l’enfant, doit honneur et respect à ses parents » ; a fortiori l’enfant mineur (art. 371 code civil)[5]

Il a le devoir d’obéir à ses parents et à ceux qui en reçoivent délégation enseignants, éducateurs ou membres de la famille élargie notamment grands-parents ou beaux-parents [6]. Ainsi il doit demeurer au domicile familial et n’est autorisé à en sortir que par ses parents ou quand cela se présente dans le lieu fixé par les parents

On l’a dit les parents ont un pouvoir de correction qui peut les conduire à la contrainte, mais plus à la violence. Seuls les parents peuvent exercer des violences légères à son égard ; pas un professeur, pas le maire ! l’interdiction du recours aux violences ordinaires (gifles, fessées) n’est pas sanctionnée pénalement. Il s’agissait de fixer un cap ?.

Responsable

En tous cas l’enfant peut engager sa responsabilité pour les actes qu’il pose. Laissons la responsabilité morale qui vaut pour tout individu pour nous concentrer sur la responsabilité juridique.

Disciplinairement

C’est déjà une responsabilité disciplinaire. Bien évidemment, comme tout un chacun, l’enfant encourt des sanctions à la maison, mais encore sur son lieu de travail, en l’espèce, l’école pour les plus jeunes.

Civilement

L’enfant qui cause un préjudice est tenu de le réparer. Bien évidemment comme il est généralement dans l’impossibilité d’indemniser personnellement la victime, faute de moyens financiers, ses parents, même s’ils n’ont pas commis de faute personnelle et directe, seront tenus solidairement avec lui et, en vérité, la victime se tournera vers eux. Ils ont alors intérêt à disposer d’une bonne assurance. Désormais [7] l’enfant constitue en quelque sorte un risque pour ses parents ou l’institution qui l’héberge. Peu importe que l’enfant vive sous son toit, le parent juridique devra sa garantie à la victime. Peu importe que le fait commis par l’enfant soit volontaire ou non, constitue ou non une infraction. Et ici, force est de constater que l’assurance parentale n’est toujours pas obligatoire.[8]

Concrètement un enfant de 4 ans qui crève involontairement l’œil de son camarade de jeu est tenu pour civilement responsable et ses parents sont tenus d’indemniser la victime du simple fait qu’ils sont ses parents sauf cas de force majeure ou partage de responsabilité avec la victime. S’ils ne le font pas la victime sera en droit de se retourner plus tard contre l’auteur quand il disposera de ressources.

Rendre des comptes pénalement

L’enfant peut aussi très tôt engager sa responsabilité pénale. Jusqu’au code de justice pénale des mineurs entré en vigueur au 30 septembre 2021 aucun texte ne fixait un âge d’engagement de la responsabilité  de l’enfant. On devait se référer aux grands principes juridiques qui exige l’intention pour qu’une infraction soit cristallisée. Quid pour l’enfant ? Faute de seuil préfixe on était renvoyé à la subjectivité. Dès 7-8 ans, on pouvait lui reconnaitre ce discernement, c‘est-à-dire la capacité à apprécier le bien et le mal, l’interdit du légal, d’avoir voulu telle attitude, d’être au moment des faits apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont pourrait faire l’objet.

Désormais, pour repondre à la CIDE, la loi française fixe un seuil d’âge sous lequel l’enfant est réputé non discernant (art. 11-1 CJPM). On saluera l’avancée sauf que cette présomption n’est que relative et que le parquet – éventuellement suivi par la juridiction -, pourra estimer qu’avant 13 ans le discernement était acquis. Il pourra s’appuyer sur des expertises, mais plus communément sur les circonstances de l’espèce, en d’autres termes porter une appréciation très subjective. De telle sorte qu’en vérité rien ne change véritablement pour les moins de 13 ans :  on retrouvera au final, en pratique, ce seuil  subjectif des 7/8 ans. Tout au plus revient-il dorénavant au parquet d’apporter la preuve du discernement pour combattre la  présomption quand jusqu’à présent on pensait le discernement acquis  à l’âge de raison.[9] L’objectivoité veut de constater une baisse singulière des poursuites visant des moins de13 ans avec le CJPM.

La loi interdit avant 13 ans le prononcé d’une peine (art. L 13-4 CJPM), mais on pourra lui infliger une mesure éducative comme le placement en institution jusqu’à sa majorité (art. L 11-3 CJPM). Il aura un casier judiciaire.[10]

A tout âge, un enfant peut être conduit au commissariat comme témoin d’une affaire  pénale, a fortiori comme mis en cause mais il ne doit pas y séjourner au-delà de son audition. A 10 ans où il pourra placé en retenue [11] pour une durée de 12 h renouvelable une fois.

A 13 ans au jour des faits, il encourt donc une peine de prison. Ce risque n’est pas théorique. Environ 5000 peines de prison ferme et 15 000 peines de prison avec sursis simple ou sursis mise à l’épreuve sont prononcées chaque année. Aujourd’hui quelques 700 personnes de moins de 18 ans sont incarcérés – pour quelques 800 voici trois ou quatre ans – dont une large majorité en détention provisoire. 250 environ ont moins de 16 ans. Du fait de l’excuse atténuante de responsabilité prévue par la loi il encourt – une peine moitié moindre ampleur que celle prévue pour un adulte, non compris le jeu des circonstances atténuantes.

Il peut perdre  ce bénéfice à partir de 16 ans. Il encourt alors quand même 1 an et demi de prison pour un vol simple, 2 ans et demi s’il bouscule la victime, 3 ans et demi s’ils sont deux pour ce faire et 5 ans si tout cela se produit dans la cour de l’école ! Jusqu’en 2016 un mineur encourait la réclusion criminelle si, âgé de 16 ans, il avait commis un crime aggravé. Depuis 2016 la peine maximale est de 30 ans dès lors qu’on lui retire le bénéfice d’excuse atténuante de minorité.

Des droits donc, mais on le voit aussi des obligations comme celle de réparer ou de rendre des comptes à la hauteur de sa capacité à comprendre avec des sanctions qui peuvent être lourdes, parfois plus lourdes que celles prononcées contre des adultes co-auteurs ou complices.

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Globalement notre droit est équilibré. Il prend en compte les étapes qui amènent l’enfant vers la maturité. Il ne faudrait pas remettre en cause ces équilibres qui se sont construits sur la durée, sauf comme nous le proposions en 2014 dans le rapport remis à sa demande à la ministre de la famille [12] à faire en sorte que le statut civil de l’enfant colle avec son statut pénal. Ainsi il est anormal qu’un jeune de 16 ans puisse être condamné à une peine criminelle lourde, mais ne jouisse pas du droit de demander son émancipation. Nous proposions que le statut civil comme le statut pénal soit scandé par des étapes  avec la représentation, puis l’assistance des parents autant de temps d’une avancée vers l’autonomie juridique : l’infans non discernant, l’âge de raison et l’accès au discernement, les 13 ans où il peut s’opposer après consultation, 16 ans où il agit sous contrôle parental a posteriori des actes, avant de voler pleinement de ses propres ailes.

Ne nous payons pas de mots : attention à tous ceux qui avancent l’intérêt supérieur de l’enfant pour afficher leur prise en considération de l’enfant. C’est souvent pour mieux camoufler leurs turpitudes. Par exemple, l’enfant a le droit de n’être pas séparé de ses frères et sœurs, sauf si son intérêt le requiert ;  l’enfant doit être entendu par son juge, sauf si son intérêt si oppose, etc.

Notre société demeure bien adultocentrée avec une conception très paternaliste ou protectrice des enfants. On est loin du pays où l’enfant est roi.[13] Il n’existera jamais de définition de l’intérêt de l’enfant, tout au plus de ses besoins à tel âge et en telle circonstance. A fortiori est-on en peine de dire ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant : supérieur à tout autre ou supérieur par-delà l’instant présent comme le laisse à penser la CIDE. Prendre en considération l’intérêt de l’enfant, oblige avant de décider celui qui est en responsabilité à respecter une certaine démarche en se posant une série de questions en y répondant vu du côté de l’enfant. Et bien évidemment il lui revient déjà de recueillir le point de vue de l’enfant sur tout ce qui le concerne. Quitte parfois à passer outre et dans d’autres circonstances où la loi lui reconnait un droit de veto de respecter le point de vue exprimé

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Reste l’essentiel : le premier des droits est bien celui de connaitre ses droits. Et là le bât blesse. Les enfants ignorent leurs droits, mais parce que déjà les adultes que les environnent les ignorent .

Il faut donc mieux informer les plus jeunes, mais d’abord les adultes, sur le statut fait aux enfants dans notre pays, chacun ayant tendance à faire sa propre loi et de fonctionner à l‘idée qu’i s’en fait. [14]

Malheureusement cela ne suffit toujours pas ; ici comme ailleurs un fossé trop important subsiste entre les droits formels affichés et les droits réels au quotidien. Plus que jamais qu’il convient de le réduire, sinon de l’effacer. Les illustrations ne manquent pas. Ainsi quand la CIDE affirme le droit des enfants à disposer d’un revenu décent, nous comptons 3 millions d’enfants pauvres ; quand nous affirmons le droit à l’éducation nombre d’enfants porteurs de handicap ne sont toujours pas scolarisés malgré les efforts développés. Et ne parlons pas du droit d’accès aux loisirs à la culture ou aux sports. On multiplierait les illustrations.

On n’en retiendra que des violences sexuelles fait aux enfants dans les familles, mais aussi dans les institutions encore faites aux enfants. 5 millions et demi de français sur 67 millions que compte le pays affirment à l’INSERM avoir été victimes de violence sexuelles comme enfant dont 3 millions en famille. Ces chiffres à eux seuls parlent plus que de grands discours. Nous avons amélioré notre outil juridique et notre dispositif de protection, ouvert les yeux et débouché les oreilles, sensibilisé l’opinion et les professionnels, formé les uns et les autres, veillé à mieux recueillir les restons loin du compte. L’enfant comme la femme demeurent exploités du fait de leur faiblesse réelle ou supposée. Il faut s’attacher désormais à combattre la violence par la promotion du respect de la personne. On peut faire preuve d’autorité avec un enfant – et cela est nécessaire- sans violence. On ne doit pas lever la main sur son conjoint. Y succomber signifie qu’on ne le respecte plus, le supporter signifie qu’on n’est pas respecté.

L’accès aux droits est donc aujourd’hui la question majeure. Il faut certes informer les enfants sur leurs droits, mais aussi les accompagner dans l’exercice de leur droit quand cela est nécessaires. Avocats et administrateurs ad hoc peuvent ici jouer un rôle … si on en réunit les moyens humains donc financiers.

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Il est évident que le sort fait aux enfants de France est souvent bien plus enviable que sur la plupart des continents. Pour autant on reste loin du compte. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU nous le rappelle régulièrement. Et encore en 2023.

Les résistances à une meilleure prise en considération des droits des enfants demeurent importantes. A preuve la difficulté pour le parlement à admettre en 2018 qu’il fallait voter une loi interdisant  sous peines criminelles les relations sexuelles d’un adulte avec un mineur de 15 ans quelles qu’aient été les circonstances de cette relation. Devant l’impossibilité de poser une présomption absolue de non- consentement pour le jeune de moins de 15 ans pour retenir le viol, on se contenta d’une présomption simple ; on augmenta les peines du délit au point où on incitait plus que jamais à correctionnaliser ces faits. Bref on était loin de la réponse claire et ferme promise en 2017 par le gouvernement après que deux jeunes enfants, toutes deux âgées de 11 ans, aient subi à Pontoise et Melun des relations sexuelles complètes de la part de deux adultes, Il fallut que ce texte eu démontrer son inadéquation – procès à Versailles en 2020 d’une adolescente violée par des pompiers –  pour qu’on quitte en 2021 le terrain piégé du consentement de l’enfant pour être sur celui de l’interdit posé à l’adulte de toucher à l’enfant : c‘est désormais un crime.[15]

On comprend donc que  comme juriste et citoyen on a de quoi réagir quand on entend d’abord de parler des devoirs – non scolaires – des enfants.

 

15 janvier 2024

Jean Pierre Rosenczveig

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[1] Il est régulièrement proposé d’abaisser le droit de vote à 16 ans

[2] La CIDE en 100 questions, JP Rosenczveig, L’Harmattan, 2019

[3] Conf. les quatre premiers rapports du Comité des droits de l’enfant de l’ONU ou le rapport annuel  du Défenseur des enfants

[4]  Lois de 2001 et de 2021

[5] Nous proposons une formule plus moderne : « Enfants et parents se doivent réciproquement respect et solidarité »,formule intégrés en 2014 dans la loi API adoptée à l’Assemblée, mais qui jusqu’à présent n’a pas franchi la porte du Sénat

[6] J’ai déjà dit ici 1000 fois qu’il conviendrait que les beaux-parents se voient reconnaître par la loi le droit de se faire obéir des enfants qu’ils élèvent pour les actes de la vie courante. N peut avancer «  Celui qui a vit légalement et habituellement avec un enfant est en droit et en devoir d’exercer à son  égard les actes de la vie courante »

[7] Cour de Cassation. Arrêt Bertrand 19 février 1997

http://droit.wester.ouisse.free.fr/pages/support_responsabilite/RDautrui11.htm

[8] Code des assurances L 121-2. L’assurance  chef de famille  est souvent incluse dans l’assurance habitations

[9] On a vu des jeunes filles de 14 et 16 ans être déclarées non discernantes au moment des faits !

[10] . A 10 ans, depuis 2002, on pouvait même prononcer des sanctions éducatives comme l’interdiction de fréquenter tel lieu ou telle personne, posséder tel bien ou l’obliger à faire telle chose (suivre une psychothérapie, aller à l’école etc.). Ce dispositif a disparu en 2021, ces sanctions éducatives réintégrant le registre  des peines.

[11] Comme à l’école ! cela ne s’invente pas

[12] « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui dans l’intérêt de la démocratie », janvier 2014, président JP Rosenczveig, rapporteurs D. Youf et F. Capelier

[13] Voir P. Verdier, in JDJ. A l’initiative des parlementaires le CJPM dans son article liminaire vise la prise en compte de l’intérêt de l’enfant, clin d’œil à la CIDE. Cette disposition de la CIDE s’est vu reconnaitre valeur constitutionnelle. Il sera intéressant de voir comment les juridicions arbitreront demain entre le droit de l’enfant l’ordre public

[14] « Le droit des enfants pour les Nuls », Ed. First, 2019

[15] On peut avec L. Rossignol penser que la resistance tenait au fait de ne pas voir des hommes accusés à tort !


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